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Wakimachi : traditions et patrimoine de l’époque Edo

Tokushima… La simple évocation du nom de cette préfecture située à l’est de Shikoku éveille en moi la rêverie. Traversée par le puissant fleuve Yoshino, de nombreuses villes ont profité des bienfaits de celui-ci, donnant ainsi naissance à un artisanat que j’aime particulièrement : la teinture indigo. Mais Tokushima ne se limite pas à cela et recèle bien des richesses, c’est ce que nous allons découvrir…

 

Très excité à l’idée de visiter cette région, Jean et moi-même quittâmes Matsuyama et allâmes retrouver notre fantastique guide : Ayaka Sakamoto. Après un arrêt au Konbini, notre rituel matinal, nous mîmes le cap vers Wakimachi (脇町).

 

Située le long du fleuve, le célèbre "Japan Blue" marqua profondément l’histoire de cette ville dont les témoins sont encore bien visibles aujourd'hui.

À notre arrivée, un magnifique ciel dégagé nous accueillit et nous pûmes déjà observer du coin de l’œil plusieurs bâtiments traditionnels dont un abritant un atelier de teinture. En effet, cette ville offre la possibilité d’expérimenter soi-même le procédé Aizome que nous ne testâmes pas ici mais patience, nous en reparlerons…

Notre premier arrêt fut le restaurant Aigura. Prenant place dans un ancien entrepôt réaménagé, le bâtiment est organisé sur deux niveaux : un magasin au rez-de-chaussée et la salle du restaurant à l’étage. La boutique propose toute une série d’articles teints à l’indigo, allant de petits porte-monnaie jusqu’aux chemises. Mais vous pouvez également y trouver des produits locaux tout aussi variés. L’un d’eux éveilla d’ailleurs notre curiosité… Mariage entre le gorgonzola et une pâte préparée à base de feuilles d’indigo séchées, le biscuit possède un goût vraiment agréable ! Ayaka et moi n’hésitâmes pas longtemps pour en acheter une boite.

Nous montâmes ensuite à l’étage et pûmes profiter du restaurant absolument charmant ! La charpente apparente confère à l’endroit un caractère authentique et les œuvres d’un artiste local complètent admirablement le décor. En effet, illustrant toutes des vues de la ville à différentes saisons et différents moments de la journée, ces peintures distillèrent un peu de magie.

Nous prîmes place et la spécialité s’avéra absolument exquise ! Le principal ingrédient de cette dernière est le poulet Awa-Odori (阿波尾鶏), une race de poulet supérieur qui a vu le jour en 1990 et qui est largement reconnue aujourd’hui comme l’une des meilleures du Japon !

Cette journée commença donc d’une délicieuse manière. Il fut alors le temps pour nous de retrouver un guide local qui allait nous faire visiter la ville et nous en apprendre davantage sur son histoire. Nous retrouvâmes celui-ci et il nous emmena d’abord le long du fleuve.

Il commença par nous expliquer le rôle important du Yoshino-gawa (吉野川) à Wakimachi et plus largement à Tokushima. En effet, bien que l’on puisse trouver des cultures d’indigo dans différentes régions du Japon, celui produit à Shikoku possède une qualité supérieure qui s’explique par la conjonction de deux principaux facteurs. Le premier est le climat chaud et humide. Le second à trait à la plante elle-même qui demande un apport très important d’engrais et d’eau. De ce fait, les crues du fleuve, connu comme étant l’un des plus violents du Japon, enrichissent les champs de la région en nutriments et minéraux, ce qui réduit fortement l’appauvrissement des sols. Ainsi, ces deux éléments permettent à la plante de contenir une concentration en indigo nettement supérieure à celle des autres régions.

 

Il attira également notre attention sur la présence des bambous sur la rive est. Ceux-ci ne sont pas dû au hasard et permettent de retenir les terres et d’absorber des quantités d’eau très élevées lorsque le fleuve démontre l’étendue de sa puissance.

Enfin, nous nous arrêtâmes sur un dernier élément remarquable, le pont plongée de Wakimachi (Wakimachi Sensuikyô - 脇町潜水橋). Celui-ci mesure 207 m de long et constitue l’un des ponts typiques que l’on peut retrouver sur le fleuve Yoshino. La particularité de ce type de structure est qu’elle est construite juste au-dessus du niveau de l’eau. Lorsque le débit est faible, celui-ci est tout à fait praticable mais en cas de débit élevé lors de fortes précipitations, il est alors submergé. En 2004, de fortes pluies emportèrent une partie du pont qui fut ensuite restauré en 2006.

Nous retournâmes ensuite vers le cœur historique pour y découvrir les témoins du passé liés à la tradition de l’indigo. Sur le chemin, nous vîmes différentes Aigame (藍甕), de sortes de grandes jarres cylindriques utilisées pour la préparation de la teinture et réalisées en céramique d’Otani.

Mémorisez bien celle-ci car notre histoire ne fait que commencer et avec elle des découvertes, des rencontres fantastiques qui feront le lien entre tous les éléments que je vous présente.

 

Mais pour l’heure, poursuivons la visite. La rue principale constitue l’attraction principale de cette petite ville absolument charmante. 

En effet, celle-ci est bordée de bâtiments dont les plus anciens remontent à la période Edo. À leurs côtés, on retrouve d’autres édifices datant des période Meiji et Shôwa. Sur les photos ci-dessous, vous pouvez voir trois bâtiments successifs et reflets des trois périodes que je viens de mentionner. Observez bien, trouvez les différences et n’hésitez pas à les partager en commentaires !

Sur les bâtiments ci-dessous, vous pouvez voir un élément architectural très rare au Japon aujourd’hui, l’Udatsu (卯建).

Cet avant-toit surmonté lui-même d’un petit toit avait une double fonction. Construit en terre, cette projection des montants verticaux du toit principal empêchait le feu de se propager aux bâtiments voisins en cas d’incendie. Comme cet ajout nécessitait d’importants coûts lors de la construction, ils constituaient aussi un symbole de richesse. D’ailleurs, il existe une expression : « Udatsu ga agaru » (卯立が上がる) qui renvoie à l’idée de réussite sociale.

 

Cette ville compte près de 38 maisons de ce type, ce qui fait de Wakimachi la ville des Udatsu ! Un patrimoine architectural remarquable qui ravira toute personne intéressée par l’architecture traditionnelle japonaise.

Tout en parcourant ces rues chargées d’histoire, nous fîmes une belle découverte : un atelier de Wagasa (和傘), les parapluies traditionnels japonais.

Satoshi Sumitomo (住友聡), l’artisan que nous rencontrâmes nous fit visiter son atelier et nous raconta un peu l’histoire de cet accessoire traditionnel incontournable. La ville voisine de Mima produisait un bambou de très haute qualité et grâce à la présence du fleuve Yoshino, des ateliers de fabrication de papier Washi s’implantèrent. Les deux conditions furent donc réunies pour donner naissance à cet artisanat.

Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, près de 200 ateliers fabriquaient des Wagasa. Cela représentait environ 900 000 parapluies produits chaque année ! Malheureusement, il ne reste plus que deux ateliers encore en activité. Dans l’objectif de faire revivre cette tradition, un groupe de bénévoles a créé il y a 13 ans le groupe de production de Wagasa de Mima (美馬和傘製作集団). Et c’est précisément cet atelier que nous visitâmes.

Nous pûmes voir différents types de parapluies dont le Janomegasa (蛇の目傘), le parapluie en forme d’œil de serpent. Le nom renverrait notamment au motif circulaire dessiné sur le papier et qui ressemblerait à un œil de serpent.

La partie centrale intérieure composée d’un entrelacement de fils porte le nom d’Itokagari (糸かがり). Outre l’aspect esthétique absolument magnifique, cette décoration permet aussi de renforcer les brins de bambou. En outre, on dit également qu'elle représente les écailles d'un serpent en utilisant les cinq couleurs des cinq éléments Yin-Yang pour former une frontière. En effet, les parapluies Wagasa étaient à l'origine utilisés par les personnes de haut rang et étaient censés éloigner les mauvais esprits.

 

Afin de protéger le papier, celui-ci est enduit d’une huile végétale comme l’huile de lin ou encore celle de paulownia. Chacune possède ses propres caractéristiques et est fonction de la saison et de l'artisan.

Une rencontre pour le moins inattendue mais extrêmement intéressante ! Nous continuâmes alors notre route, toujours accompagné de nos deux guides et nous pûmes profiter pleinement de cette ville un peu hors du temps !

Nous marquâmes ensuite un arrêt au théâtre de Wakimachi Odeonza (脇町劇場オデオン座). Marquant un contraste direct avec les bâtiments que nous vîmes jusqu’à présent, celui-ci n’en reste pas moins important pour les habitants de la ville.

 

Construit en 1934 durant l’ère Shôwa, il devint célèbre en 1996 par son apparition dans le film « Niji wo Tsukamu Otoko » (虹をつかむ男) ou « L’homme qui saisit l’arc-en-ciel » réalisé par Yôji Yamada (山田 洋次). Notez que le pont plongée mentionné en début d’article apparaît aussi dans le film. Je dois bien vous avouer que j’aimerais voir cette œuvre cinématographique désormais.

Notre guide nous accompagna tout doucement sur le chemin du retour, signe que notre visite touchait à sa fin mais il en profita pour attirer notre attention sur un dernier élément. Sur les photos ci-dessous, vous pouvez voir une sorte de treillis de bois qui occupe toute la largeur du rez-de-chaussée du bâtiment. Celui-ci porte le nom générique de Kôshi (格子) et vous pouvez remarquer que l’espace entre les montants verticaux de ce treillis varie. L’explication tient du fait qu’ils permettent de diviser l'espace de vie en pièces séparées, opérant ainsi une distinction entre l’espace réservé au magasin, celui à l’accueil des invités et celui destiné à l’intimité des propriétaires.

 

En outre, l’étage possède également un treillis relativement similaire. Celui-ci porte le nom de fenêtre Mushiko (虫籠) car elles ressembleraient à une cage à insectes. Celles-ci sont constituées de montants en bois ou en bambou recouverts d’argile. Des finitions sont apportées par une couche de plâtre.

Ce patrimoine de la période Edo apporta la touche finale à cette visite extrêmement instructive, mêlant architecture, artisanat et spécialités culinaires locales.

 

Avant de reprendre notre route vers le centre de Tokushima, nous mangeâmes une savoureuse glace locale au restaurant Aigura. Un petit moment de fraicheur plus que le bienvenu par cette journée ensoleillée !

C’est sur cette note sucrée que se termine ce premier chapitre consacré à notre aventure à Tokushima. Est-ce que vous entendez ? Les tambours et la flute entrent en scène, la musique traditionnelle de Tokushima s’invite progressivement, annonçant le prochain article…

 

Une fois encore, je tiens à remercier chaleureusement Ayaka Sakamoto pour cette découverte, cette expérience authentique ! Cette authenticité, j’ai pu la vivre à plusieurs reprises grâce à elle. Elle parvient à surprendre, transmettre tout en laissant la place à l’inattendu et c’est précisément cela qui, à mon sens, est source d’émerveillement.

 

Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à consulter les liens ci-dessous :

 

Ayaka Sakamoto, guide francophone :

-          Instagram : Ayaka/Tourisme Designer & Organizer, Guide🇯🇵🇫🇷🇬🇧 (@unetokyoite) | Instagram

-          Facebook : Une Tokyoïte | Facebook

-          Site Internet : Une Tokyoite – Your local guide & unforgettable experiences in Tokyo/Shikoku-Setouchi/Online

-          YouTube : Une Tokyoite - YouTube

 

Office du tourisme de Mima :

-          Instagram: とっちー (@mimakankou) • Photos et vidéos Instagram

-          Facebook : Facebook

-          Site Internet : Bureau du tourisme de Mima (mimakankou.or.jp)

-          YouTube : 徳島県美馬市 - YouTube

 

 

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